Sénateur Plett intervient sur la deuxième lecture du projet de loi C-28

Honorables sénateurs, il est très bon de voir que, peu importe si cela fait notre affaire ou non, nos principes entourant la demande de consentement et d’autres questions peuvent changer selon les besoins. Nous en sommes certainement reconnaissants.

Je ne veux pas refroidir les ardeurs, mais j’ai un discours d’environ 75 minutes à faire. Cela nous amène à quelle heure? Je suis désolé, honorables collègues, mais vous n’aurez peut-être pas l’occasion d’intervenir. Vous feriez aussi bien de rentrer chez vous, et le sénateur Gold et moi ferons le reste du travail.

Ma charmante épouse m’a signalé aujourd’hui que j’ai commis une erreur lorsque j’ai dit, plus tôt, que j’avais voté avec le sénateur Gold. Elle a dit que j’étais censé lui rappeler que, lors du dernier vote, c’est lui qui a voté avec l’opposition, et non l’inverse. Je tenais à apporter cette correction. Sénateur Gold, nous sommes heureux que vous ayez voté avec nous.

Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-28, Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire extrême). J’ai déjà dit que j’allais appuyer ce projet de loi. Je vais prendre au moins 10 minutes pour vous dire pourquoi je ne devrais pas l’appuyer, puis, comme ceux qui acceptent de donner leur consentement et qui refusent ensuite, je vais faire toutes sortes de contorsions et finalement voter en faveur d’un projet de loi après vous avoir expliqué pendant 10 minutes pourquoi on ne devrait jamais l’appuyer.

Le projet de loi est censé répondre aux décisions que la Cour suprême du Canada a rendues dans les affaires Brown et Sullivan le mois passé, où elle a conclu que l’article 33.1 du Code criminel était inconstitutionnel. L’arrêt de la Cour suprême a été prononcé le 13 mai 2022. Nous n’avons rien entendu de la part du gouvernement sur cette question pendant cinq semaines. Je pense que le premier ministre était dans un avion.

Soudainement, le projet de loi a été déposé juste avant la fin de la session, le 17 juin. Chers collègues, aucun débat sur ce projet de loi n’était prévu dans les quatre jours suivants.

On nous a ensuite dit que le projet de loi dont nous sommes saisis, le projet de loi C-28, devait non seulement être adopté dans la plus grande hâte, mais aussi l’être essentiellement sans aucun examen législatif substantiel. Bien sûr, c’est le sujet de préoccupation que notre ami et collègue le sénateur Patterson a soulevé plus tôt aujourd’hui.

Honorables sénateurs, pendant cinq semaines, ce fut le silence complet, puis, soudainement, comme c’est la coutume avec ce gouvernement, un vent de panique a soufflé. Le gouvernement prétend que, dans les cinq semaines entre la décision de la cour et la semaine dernière, il était occupé à mener des consultations sur le projet de loi. Il prétend que, depuis que la cour a rendu sa décision, il a consulté environ 30 groupes. C’est un nombre conséquent.

Le ministre Lametti a affirmé, pendant notre brève rencontre en comité plénier cette semaine, que ces groupes approuvent la réponse du gouvernement presque à l’unanimité. Chers collègues, c’est surprenant à bien des égards.

Premièrement, il est surprenant que le gouvernement ait été en mesure de consulter de manière exhaustive 30 groupes en seulement un mois, mais c’est qu’il affirme avoir fait.

Pourtant, il semble avoir été complètement incapable de faire de même pour d’autres projets de loi. Pas plus tard que lundi dernier, le Sénat a adopté le projet de loi S-7, qui était aussi une réponse du gouvernement à une décision judiciaire. En effet, ce projet de loi a été présenté à la suite d’une décision rendue par la Cour d’appel de l’Alberta en octobre 2020, qui a invalidé un article de la Loi sur les douanes. La cour avait donné 18 mois au gouvernement pour présenter une mesure législative en réponse à sa décision. Pourtant, non seulement cette échéance n’a-t-elle pas été respectée, mais, comme les sénateurs l’ont appris lors de l’étude du projet de loi par le comité, le gouvernement n’avait consulté absolument personne avant de présenter le projet de loi. Or, il s’agissait d’un projet de loi extrêmement complexe portant sur des questions juridiques tout aussi complexes.

Nous sommes maintenant saisis de ce projet de loi, qui porte lui aussi sur une question juridique extrêmement complexe. Pourtant, si nous croyons le ministre sur parole, le gouvernement a réussi, en seulement un mois, à consulter de manière exhaustive des groupes qui ont approuvé unanimement le plan d’action du gouvernement.

Honorables sénateurs, je dois dire que cela dépasse l’entendement. Je crois qu’une autre raison se cache derrière le peu d’empressement du gouvernement à présenter ce projet de loi. C’est tout simplement parce que ses priorités sont ailleurs. Ce gouvernement n’accorde pas beaucoup d’attention aux détails des politiques. Il règle les problèmes en jetant de l’argent emprunté par les fenêtres. Il ne prête pas attention à la façon dont l’argent est dépensé.

On se demande pourquoi, chers collègues, certains d’entre nous — ou certains d’entre vous — ont voté il y a une heure pour un budget complètement débridé. Même ceux qui se disent conservateurs ont voté en faveur de ce budget. Je trouve extrêmement étrange que des conservateurs qui ont fait campagne sous une bannière conservatrice aient pu voter ainsi. Pourtant, c’est ce qu’ils ont fait.

Je ne sais pas combien d’entre vous écoutent Simon & Garfunkel. C’est de ma génération. Comme le chantait Simon & Garfunkel : « Ceux qui prient auront une place au paradis. » Alors, chers collègues conservateurs, il y a de l’espoir pour vous si vous vous repentez. Il y a quelques années, Chuck Cadman a promis de maintenir en place le gouvernement de Paul Martin. Après avoir voté, il a déclaré qu’il allait devoir demander pardon à Dieu. Dieu lui a pardonné, et il vous pardonnera.

Ce gouvernement brasse beaucoup d’air, chers collègues. Je suis certain qu’à la suite de cette décision de la Cour suprême, quelqu’un a vu une occasion politique à saisir. C’était l’occasion d’avoir l’air de prendre des décisions. Je n’ai pas l’intention de m’étendre trop sur le fond du projet de loi, comme vous l’avez sans doute déjà constaté. C’est mieux de laisser cela à d’autres. Le sénateur Patterson a beaucoup plus de choses à dire à ce sujet. Cependant, je remarque que beaucoup de sénateurs ont soulevé, en très peu de temps, des questions très importantes.

Le sénateur Carignan a parlé d’un professeur érudit de l’Université de Montréal qui se spécialise dans la défense au criminel et qui soutient que certaines dimensions de l’intoxication extrême risquent de ne pas être couvertes par le projet de loi. Voici ce qu’a dit mardi le sénateur Cotter :

[...] ce qui m’inquiète ici, c’est que la proposition, aussi sincère soit-elle, ratera la cible et que presque personne ne pourra être condamné en vertu de la disposition.

Le sénateur Cotter et moi n’étions pas sur la même longueur d’onde au début, c’est le moins que l’on puisse dire, mais j’ai certainement appris à respecter ses très grandes connaissances et l’expertise qu’il apporte au Comité des affaires juridiques, et je respecte ce qu’il a dit.

La sénatrice Pate a cité Sean Fagan, avocat de la défense dans l’affaire en question : « [...] les dispositions législatives seraient complètement inefficaces en raison du fardeau de la preuve qui incombe aux procureurs. » Je reconnais la préoccupation éclairée et le scepticisme lorsque je les vois, et en l’occurrence, sénatrice Pate, il s’agit d’une préoccupation éclairée accompagnée d’une certaine dose de scepticisme, j’en suis sûr. Voilà pourquoi je suis si préoccupé par la façon dont le gouvernement tente de faire adopter de force ce projet de loi tant à la Chambre des communes qu’au Sénat, et même ce coup, il l’exécute lamentablement.

Comme nous le savons tous, mardi, le système informatique tant vanté par le gouvernement qui permet la tenue de séances hybrides est tombé en panne. Le Sénat a mis fin à sa séance parce que nous ne pouvions plus fonctionner. Heureusement, à ce jour, le leader du gouvernement au Sénat n’a pas encore suggéré que nous maintenions cet horrible mode de fonctionnement hybride. Je suis tout à fait convaincu qu’il ne proposera rien à cet effet. Je tiens à ce qu’il soit inscrit dans le hansard que je compte sur le sénateur Gold pour ne pas présenter de motion portant que le mode de fonctionnement hybride au Sénat soit prolongé.

Par contre, le leader du gouvernement à la Chambre, Mark Holland, veut et vient d’obtenir une autre année de ce mode hybride qui, en de si nombreuses occasions, n’a pas fonctionné pour nous. Pourquoi? Parce qu’il dit, honorables sénateurs, qu’une autre pandémie pourrait survenir. C’est possible. Docteur Ravalia, avez‑vous entendu parler d’une pandémie imminente?

Voici ce que dit la science : aucune pandémie n’est à nos portes. Pourtant, Mark Holland affirme qu’il faut une autre année de séances hybrides afin que nous puissions tous rester à la maison pour vaquer à nos occupations. Honnêtement, il semble que la nouvelle priorité du gouvernement soit de faire en sorte que les parlementaires aient le moins souvent possible besoin de venir au Parlement. C’est très triste, honorables sénateurs. À l’évidence, les caucus du NPD et du Parti libéral aiment bien les séances hybrides, mais il n’y a personne ici qui fait partie de ces caucus, n’est-ce pas? Je ne crois pas. Nous sommes tous indépendants. Nous avons voté de façon indépendante. Oh non, c’est vrai, nous avons tous voté pour le budget néo-démocrate—libéral — enfin, nous n’avons pas tous voté, mais beaucoup d’entre nous l’ont fait — il y a à peine quelques minutes.

Néanmoins, les séances hybrides plaisent à l’autre endroit pour les mêmes raisons qu’elles plaisent à de nombreux sénateurs. On peut rester à la maison, s’asseoir devant la caméra pendant quelques heures, lire une ou deux questions et prétendre qu’on sert la population avec dévouement. Il est facile de voir à qui profitent les séances hybrides : aux parlementaires qui, en toute honnêteté, ne veulent pas venir travailler.

J’ai mentionné aujourd’hui que lorsqu’une personne dit « avec tout le respect que je vous dois », elle va probablement dire quelque chose d’irrespectueux. La sénatrice Moncion se souvient du moment où j’ai exprimé cette opinion. Et je veux respecter tous les sénateurs qui sont ici. Je le veux vraiment. Et je respecte tous les sénateurs qui sont ici, mais je ne crois pas que ce soit la façon de mener des travaux parlementaires.

On voit clairement qui sort gagnant des séances hybrides, mais les Canadiens, qui comptent sur nous pour examiner sérieusement les projets de loi d’initiative ministérielle, sont perdants. C’est ce que nous voyons relativement à ce projet de loi précis, le projet de loi C-28. Le processus d’examen du projet de loi C-28 a atteint de nouveaux abîmes, même pour le gouvernement. Il reflète un gouvernement en plein chaos. Le Canada est maintenant confronté à de multiples défis, tant à l’échelle nationale qu’internationale, mais le gouvernement ne cesse de se concentrer sur les mauvaises priorités.

Non seulement le gouvernement ne met pas ses priorités à la bonne place, mais il s’y prend également très mal pour les mettre en œuvre. Prenez l’exemple du projet de loi C-11. Cette mesure a été un véritable fiasco dans l’autre endroit, et ce, pour la seconde fois. Le gouvernement n’a tiré aucune leçon du fiasco entourant le projet de loi original, le projet de loi C-10. Un autre exemple, le projet de loi S-7, a été adopté dans cette enceinte plus tôt cette semaine, mais seulement après avoir été pratiquement refondu par le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Puis, il y a le fiasco en devenir du projet de loi C-21, qui est ni plus ni moins qu’une attaque gratuite contre les tireurs sportifs respectueux des lois alors que les crimes commis avec une arme à feu ne cessent d’augmenter dans les grands centres. Dois-je vous rappeler ce que le premier ministre et le ministre Blair ont fait avec la commissaire de la GRC dans le seul but de promouvoir ce projet de loi?

Honorables sénateurs, la liste est infinie et, au bout du compte, ce sont les Canadiens qui perdent au change. Honorables sénateurs, les Canadiens méritent bien mieux. Nous devons en faire beaucoup plus pour eux. J’espère seulement qu’ils auront un gouvernement compétent très bientôt et je suis persuadé que cela se produira. Je ne vais pas me péter les bretelles encore une fois — je l’ai déjà fait avant la pause du repas —, mais j’espère sincèrement que nous aurons un gouvernement compétent qui accordera finalement la priorité aux véritables besoins des Canadiens.

Ce n’est pas ce que fait le gouvernement actuel, honorables sénateurs; on le constate, peu importe comment on présente les choses ou peu importe le caucus auquel on appartient. Le gouvernement actuel fait passer ses intérêts avant ceux des Canadiens. Nous devons inverser cette tendance. Nous devons approuver le projet de loi C-28 aujourd’hui. Pourquoi? Pas en raison du gouvernement, pas à cause de son incompétence, ni même parce qu’il s’agit d’un bon projet de loi. Comme d’autres l’ont dit, toutefois, c’est un projet de loi qui constitue un pas dans la bonne direction. Il protège les femmes, les filles et les enfants contre les crimes odieux dont nous n’avons cessé de parler.

Honorables sénateurs, voilà pourquoi, à la fin de cette soirée, que nous soyons ou non des partisans de ce gouvernement — et je crois qu’il est manifeste que je n’en suis pas un —, il s’agit d’un projet de loi qui, j’en suis persuadé, mérite un appui unanime. J’espère que vous l’appuierez ce soir. Merci.

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