Le sénateur Plett et le projet de loi C-4 : En pleine pandémie, les Libéraux et le NPD concluent des ententes dans les coulisses qui compliquent et prolongent le processus parlementaire

Le 2 octobre 2020 (Ottawa, ON) – L’honorable Don Plett, leader de l’opposition au Sénat, a émis la déclaration suivante :

Honorables sénateurs, pas plus tard que la semaine dernière, le lendemain de la séance au Sénat, le gouvernement a déposé le projet de loi C-2, Loi relative à la relance économique en réponse à la COVID-19.

Il s’agit du premier projet de loi déposé au cours de la nouvelle session après les projets de loi symboliques C-1 et S-1. C’est le projet de loi sur lequel le gouvernement a travaillé au cours des cinq dernières semaines alors que le Parlement était prorogé. On le qualifie de « plan pour soutenir les Canadiens pendant la prochaine phase de la relance », et il a sans doute été passé au peigne fin par des armées d’avocats et de fonctionnaires afin de pouvoir être déposé le 24 septembre. Pourtant, c’est le projet de loi C-4 qui retient notre attention aujourd’hui, et non le projet de loi C-2. Une semaine seulement après son dépôt, le projet de loi C-2 semble destiné à mourir d’une mort lente et silencieuse au Feuilleton, n’ayant jamais été plus loin que l’étape de la première lecture.

Imaginez que vous expliquiez ce qui s’est passé à un jeune étudiant en sciences politiques. Comment vous y prenez-vous? Le projet de loi vedette du gouvernement pour la nouvelle session du Parlement a été enterré après seulement cinq jours. Ce n’est pas l’opposition qui l’aura rejeté, c’est plutôt le gouvernement lui-même qui l’aura abandonné.

Était-il si mauvais? Apparemment que non. La seule différence entre le projet de loi C-2 et le projet de loi C-4 est que le titre a été modifié et qu’un paragraphe de 37 mots — sur un total de 12 150 mots — a été ajouté à deux endroits différents. De telles modifications sont loin de nécessiter un tout nouveau projet de loi.

Chers collègues, la seule raison qui explique pourquoi le projet de loi a été abandonné puis remplacé par un nouveau projet de loi est tout simplement que le premier ministre voulait contourner le processus parlementaire.

Après s’être vanté qu’il était prêt à déclencher les élections pour défendre son programme audacieux, novateur et complètement vide, le premier ministre s’est précipité pour forger une entente avec le NPD au moyen de réunions derrière des portes closes et de négociations secrètes au lieu de débattre ses propositions à la Chambre des communes.

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a déclaré aux Canadiens la semaine dernière que la condition pour que son parti appuie le discours du Trône était que le premier ministre prolonge la Prestation canadienne d’urgence et offre des congés de maladie payés à tous les Canadiens. Cela signifie des congés de maladie payés permanents pour tous les Canadiens, peu importe la maladie, pas seulement la COVID-19.

Le seul problème avec cette entente est que le premier ministre n’avait aucune intention de la respecter. Toutefois, il y a deux choses dont le premier ministre avait besoin. Premièrement, il avait besoin d’une astuce pour bloquer le projet de loi afin de pouvoir signer une entente avec le NPD tout en donnant l’impression que les conservateurs étaient responsables des embûches qui ralentissaient les choses. Deuxièmement, il avait désespérément besoin que le NPD appuie le discours du Trône parce que les conservateurs et les bloquistes n’allaient certainement pas lui donner leur appui, ce qui le mettait dans le pétrin.

Après des heures de négociation, avec des mises à jour dans les médias afin de faire monter la tension dramatique, ils sont arrivés à une entente. Les manchettes disaient à peu près toutes la même chose : « Les libéraux s’entendent avec le NPD et évitent des élections ».

On dirait une véritable réussite. Mais qu’en a retiré le NPD au juste? En deux mots, absolument rien.

Le projet de loi C-2 offrait déjà deux semaines de congés de maladie payés par année à tous les employés du pays, pour des raisons liées à la COVID-19. Le projet de loi C-4 prévoit exactement la même chose. Les amendements que Jagmeet Singh a arrachés au premier ministre ne rendent pas les congés de maladie permanents et n’en étendent pas l’application à des problèmes de santé qui ne sont pas liés à la COVID-19. Le NPD n’a rien obtenu. Vous n’avez pas à me croire sur parole. On n’a qu’à lire le projet de loi.

Dans le projet de loi C-2, à l’alinéa 10(1)f), on peut lire qu’une personne est admissible à la prestation canadienne de maladie pour la relance économique si :

[...] elle a contracté la COVID-19 ou pourrait avoir contracté la COVID-19 ou parce qu’elle s’est mise en isolement sur l’avis de son employeur, d’un médecin, d’un infirmier praticien, d’une personne en situation d’autorité, d’un gouvernement ou d’un organisme de santé publique pour des raisons liées à la COVID-19.

Dans le projet de loi C-4, on trouve ce passage, auquel a été le sous-alinéa 10(1)f)(ii), qui indique qu’une personne est admissible à la prestation canadienne de maladie pour la relance économique si :

[...] elle a des affections sous-jacentes, suit des traitements ou a contracté d’autres maladies qui, de l’avis d’un médecin, d’un infirmier praticien, d’une personne en situation d’autorité, d’un gouvernement ou d’un organisme de santé publique, la rendraient plus vulnérable à la COVID-19 [...]

L’ajout de ce sous-alinéa apporte quelques précisions, mais il n’élargit aucunement les modalités d’application qui existaient déjà dans le projet de loi C-2.

On pourrait dire que le projet de loi C-4 a ajouté à la liste des facteurs comme les affections sous-jacentes, les traitements en cours ou le fait de contracter d’autres maladies. On pourrait certainement croire à un élargissement des modalités par rapport au projet de loi C-2.

Il y a cependant une lacune dans ce raisonnement. Ces facteurs étaient déjà inclus sans être énumérés, puisque les mesures du projet de loi C-2 s’appliquaient à toute personne qui devait s’isoler pour toute raison liée à la COVID-19, à la suite de la recommandation d’un médecin, d’un employeur, et cetera. Cela inclurait évidemment des facteurs comme les affections sous-jacentes, les traitements en cours ou le fait de contracter d’autres maladies.

On pourrait croire que le projet de loi C-2 limitait l’admissibilité aux congés de maladie uniquement aux personnes qui avaient la COVID-19 ou qui devaient s’isoler en raison de la COVID-19, et que l’amendement du NPD a éliminé cette limite.

C’est inexact. L’amendement n’a rien changé. Comme je l’ai déjà dit, dans le cas d’une personne qui a des affections sous-jacentes, qui suit des traitements ou qui a contracté d’autres maladies qui la rendent plus vulnérable à la COVID-19, cette personne serait déjà admissible selon le projet de loi C-2, parce qu’il incluait toute personne qui devait s’isoler pour des raisons liées à la COVID-19.

L’amendement du NPD n’a rien changé à part le titre du projet de loi. Tout cela n’était qu’un leurre politique. Le premier ministre et Jagmeet Singh ont fait semblant que le NPD avait gagné quelque chose.

Dans les faits, Justin Trudeau a réussi à acheter le soutien du NPD à très bon marché : il l’a obtenu en ne lui cédant absolument rien, à l’exception de la possibilité de se vanter d’un semblant de victoire.

De son côté, le premier ministre a évité des élections et il a inventé une histoire de toutes pièces. Comme les conservateurs auraient bloqué l’étude du projet de loi, il n’avait pas d’autre choix que de conclure un accord avec le NPD, puis de le faire adopter à toute vitesse.

En réalité, ce sont les conservateurs — seulement les conservateurs — qui ont fait pression pour se pencher sur le projet de loi pendant la fin de semaine afin qu’il n’y ait pas de problèmes, mais le gouvernement a refusé de le faire.

Le premier ministre se plaît à dire qu’il veut aider les Canadiens, mais il ne veut pas faire les efforts nécessaires pour obtenir des résultats dans les temps. Il savait pertinemment que la PCU allait arriver à échéance quelques jours plus tard et que les Canadiens étaient, avec raison, inquiets à ce sujet. Il n’a pourtant pas hésité à fermer le Parlement pour la fin de semaine, à retourner à la maison et à lancer le processus législatif d’un nouveau projet de loi le lundi suivant.

Chers collègues, ce projet de loi n’a pas été adopté il y a des semaines pour une seule raison : l’incompétence du gouvernement. Tout ce qui est prévu dans la mesure législative aurait pu être mis en œuvre bien avant la fin d’août, en évitant toutes ces complications.

Revenons sur ce qui s’est passé. Le 18 août, Justin Trudeau annonce la prorogation du Parlement. Il prétend qu’il est nécessaire de lancer une nouvelle session parlementaire axée sur la prochaine étape de la réponse du Canada à la COVID-19.

Voici ce qu’il a dit :

Nous avons besoin d’un mandat du Parlement pour avancer dans la mise en œuvre de ces idéaux ambitieux, et il est important que nous ayons l’occasion de débattre de la question.

Quels idéaux ambitieux? Il n’y a rien de nouveau dans le discours du Trône. On s’y contente de recycler de vieilles annonces. Le premier ministre n’avait pas besoin d’un nouveau mandat. Il en a déjà un, et c’est le même que son ancien mandat. Il doit s’atteler à la tâche.

Il doit cesser de se cacher dans son chalet ou son pavillon. Il doit arrêter de tergiverser et de se livrer à des jeux politiques. Il ne doit plus faire obstruction aux enquêtes sur ses multiples scandales. Le premier ministre doit cesser de fermer le Parlement, et il pourrait même travailler pendant les fins de semaine si c’est nécessaire pour faire le travail requis. Au lieu de cela, le 18 août, il a prorogé le Parlement.

Puis, le 20 août, soit deux jours plus tard, le gouvernement a soudainement annoncé l’adoption d’un ensemble de nouvelles prestations dans le cadre du plan de relance de l’après-COVID. Ces prestations devaient remplacer la Prestation canadienne d’urgence, qui prenait fin le 26 septembre. Le seul problème, c’est que le Parlement était déjà prorogé jusqu’au 23 septembre. En effet, le premier ministre semblait avoir oublié une chose que nous savons tous : à cause de la prorogation, le Parlement ne pouvait pas adopter les mesures législatives nécessaires pour instaurer ces nouvelles prestations.

Cela voulait dire que le Parlement allait rester les bras croisés pendant cinq longues semaines alors que l’horloge tournait. Lorsque le Parlement a finalement repris ses travaux, le gouvernement libéral a présenté une nouvelle mesure législative à la hâte et a insisté pour que l’opposition l’adopte sur-le-champ.

Toutefois, lorsque les conservateurs ont convenu de collaborer avec le gouvernement dans ce dossier et ont proposé de siéger toute la fin de semaine pour réaliser les travaux nécessaires, le gouvernement a refusé. Il a plutôt choisi de prendre la fin de semaine de congé, de conclure une entente séparée avec le NPD, de présenter une nouvelle mesure législative après la fin de semaine et ensuite d’invoquer l’attribution de temps pour la faire adopter à toute vitesse.

Hier, lorsque la ministre des Finances, Chrystia Freeland, était dans cette enceinte, elle a donné la nette impression que tous les députés à la Chambre s’étaient tenu la main en chantant « Kumbaya » pour adopter à l’unanimité le projet de loi C-4. Elle a dit ceci :

Le tout s’est déroulé en toute collégialité; l’ambiance était conviviale et même amicale. Les députés faisaient des blagues avec ceux des autres partis et, au bout du compte, le projet de loi a été adopté à l’unanimité.

Le sénateur Harder a fait allusion à cela deux ou trois fois au Sénat.

Je ne sais pas où était la ministre pendant les débats, mais ils n’étaient pas du tout conviviaux.

Lorsque le projet de loi a enfin été déposé à la Chambre des communes, le leader du gouvernement à la Chambre, Pablo Rodriguez, a dit ceci : « Il faut passer à l’action. Il y a urgence. » Ensuite, il a invoqué la clôture du débat avec l’appui du NPD. Est-ce là le genre de comportement que la ministre juge collégial?

Tous les partis, à l’exception du NPD, étaient outrés. Après avoir interrompu les travaux parlementaires pendant cinq semaines, les libéraux ont eu l’effronterie d’informer la Chambre qu’elle devait adopter à toute vapeur un projet de loi d’une valeur de 41 milliards de dollars après y avoir consacré seulement quatre heures et demie de débat parce que « c’est urgent ».

Chers collègues, c’est incroyable. Même des libéraux commencent à réaliser que ce n’est pas une façon adéquate de mener les affaires du pays.

En réponse à l’article du Globe and Mail intitulé « Les libéraux fédéraux limitent le débat sur la dépense de milliards de dollars en réponse à la pandémie », l’ancien député libéral Andrew Leslie a publié le gazouillis suivant :

Je me demande ce que penseraient nos grands premiers ministres. Pendant toute la Deuxième Guerre mondiale, jamais les premiers ministres britannique [...] et canadien [...] n’ont cherché à limiter les débats, particulièrement en matière de crédits.

Pour une fois, je suis entièrement d’accord avec un libéral. C’est la première fois que cela m’arrive en 70 ans, alors je ne compterais pas trop sur la possibilité que cela se reproduise de mon vivant.

Chers collègues, je ne suis pas certain que le gouvernement libéral comprenne comment les choses fonctionnent. Il existe une meilleure solution. Si les libéraux voulaient faire adopter le projet de loi, ils n’avaient qu’à se présenter au travail. S’ils voulaient amender le projet de loi pour accommoder le NPD, il y a un lieu où le faire, qui s’appelle le Parlement.

Pourquoi le gouvernement tient-il tant à conclure des ententes en cachette plutôt que de permettre la tenue d’un débat public en bonne et due forme? Pourquoi le gouvernement se faufile-t-il toujours pour éviter de rendre des comptes en limitant les jours de séances du Parlement, en mettant fin aux travaux des comités, en prorogeant le Parlement et en s’assurant que le débat sur des projets de loi importants se fasse derrière des portes closes? Pourquoi tout doit-il être réglé en urgence et pourquoi personne ne sait-il ce qui se passe d’un jour à l’autre?

Nous étions ici la semaine dernière et le représentant du gouvernement au Sénat a décrété que nous n’avions plus d’affaires gouvernementales à traiter. Selon lui, rien ne justifiait que nous siégions avant le 5 octobre et une motion en conséquence a été adoptée. Deux jours plus tard, chers collègues, le Président du Sénat était contraint d’annuler cette décision et de rappeler le Sénat pour le 30 septembre.

La même chose s’est produite hier. Le sénateur Gold a eu de la difficulté à répondre à une question bien simple du sénateur Tannas qui lui demandait s’il était confiant que le Sénat n’aurait pas à être rappelé avant le 27 octobre pour adopter des mesures d’urgence. Le sénateur Gold n’a pas été en mesure de nous assurer que cela n’arriverait pas.

On est en droit de se demander : « Comment le représentant du gouvernement au Sénat peut-il ne pas être au courant de ce que prépare le gouvernement? Comment pouvait-il ignorer la semaine dernière que le projet de loi C-2 devrait être adopté d’urgence et que le gouvernement avait l’intention de procéder à son adoption dès cette semaine? »

Je suis heureux que vous me posiez la question, chers collègues, car je peux y répondre. C’est parce que ce gouvernement est incompétent. Et malgré tous ses efforts, le sénateur Gold ne peut rien y faire. Je suppose que la raison pour laquelle on nous dit une chose, jeudi et une autre, vendredi, c’est que le sénateur Gold se fait dire une chose, jeudi et une autre, vendredi. Ce n’est pas parce que le sénateur Gold a changé d’avis. C’est parce que le premier ministre est incapable de se décider.

Ce gouvernement me rappelle un article que j’ai lu récemment au sujet d’un conducteur, en Alberta, qui a affolé un radar de police en roulant à 150 kilomètres à l’heure dans une zone limitée à 110.

Encore plus alarmant, l’agent de police n’avait pas été en mesure de voir de conducteur derrière le volant du véhicule alors qu’il passait à toute vitesse devant lui. Apparemment, le conducteur avait mis sa Tesla sur pilote automatique, incliné son siège et décidé de faire une sieste. Ce n’est que lorsque le policier s’est arrêté derrière lui et a mis en marche sa sirène que le conducteur s’est réveillé et a réalisé ce qui se passait.

C’est effrayant, chers collègues.

Que quelqu’un s’endorme au volant, c’est déjà grave en soi; mais, quand un conducteur prend la décision de faire une petite sieste alors que son véhicule de 2 100 kg roule à tombeau ouvert sur l’autoroute, c’est pire et on se dit que cette personne ne devrait pas conduire du tout.

J’ai l’impression qu’il en est de même avec le gouvernement. C’est comme s’il fonçait à toute allure sur l’autoroute tandis que le premier ministre est assoupi au volant, tout à fait inconscient qu’il s’apprête à prendre le champ à 150 kilomètres à l’heure. Le problème, c’est qu’il nous entraîne avec lui. À travers la fenêtre, nous voyons le fossé approcher et nous nous demandons si quelqu’un prête attention à la route.

Chers collègues, ce n’est pas seulement le fait que la PCU tirait à sa fin tandis que le gouvernement dormait au volant. D’autres mesures arrivaient aussi à terme. Par exemple, l’autorisation de dépenser pour les mesures en réponse à la COVID-19 devait expirer le 30 septembre. Le robinet d’où l’argent coule était sur le point d’être fermé, car la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national était sur le point d’être automatiquement abrogée.

Vous vous souvenez peut-être de l’article 10 du projet de loi C-13, Loi concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19. Je cite :

La Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national est abrogée.

L’article 11 se lit comme suit :

L’article 10 entre en vigueur le 30 septembre 2020

L’article 10 supprime la Loi et l’article 11 indique que l’article 10 n’entrera pas en vigueur avant la fin de septembre.

Cette disposition de caducité a été ajoutée au projet de loi après que les libéraux se sont fait prendre à tenter de se donner le pouvoir unilatéral d’imposer des taxes et de dépenser sans approbation parlementaire jusqu’à la fin de 2021.

Je ne sais pas à quel moment le gouvernement s’est rendu compte qu’il allait rater une échéance importante, mais quelqu’un a dû finir par sonner l’alarme et le gouvernement s’est réveillé.

Malgré le fait qu’il était fort disposé à dépenser l’argent des contribuables, le gouvernement n’allait pas réussir à verser tout cet argent avant l’échéance. Il restait encore 17,14 milliards de dollars à distribuer. Même moi, je suis étonné de voir que les libéraux, qui n’ont pas peur de dépenser, n’ont pas réussi à dépenser 325 milliards de dollars pendant la période de six mois prévue et qu’ils avaient besoin de plus de temps pour faire les chèques. Quoi qu’il en soit, l’article 11 de la Loi sur les mesures d’urgence visant la COVID-19 posait un problème aux libéraux. Le 30 septembre, il allait déclencher l’entrée en vigueur de l’article 10, qui abrogerait toute la loi, laissant du même coup les 17 milliards de dollars restants non utilisés puisque le gouvernement n’aurait plus l’autorisation de dépenser nécessaire.

Le résumé législatif du projet de loi C-4 qui a été fourni par le gouvernement dit ceci :

Faute de proroger la loi, les paiements de soutien pourraient être interrompus, ce qui aurait des répercussions désastreuses sur la vie des gens, les familles et les entreprises. Notamment :

• La Prestation canadienne d’urgence et la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants ne seraient plus versées aux Canadiens;

• Les montants destinés aux commandes essentielles d’équipement de protection individuelle pourraient ne pas être versés;

• Le versement aux provinces et aux territoires des fonds prévus dans l’Accord sur la relance sécuritaire pour le dépistage, le traçage des contacts et l’équipement de protection individuelle serait retardé.

De toute évidence, il fallait remédier à cette petite erreur, et c’est pourquoi la partie 3 du projet de loi C-2, devenu le projet de loi C-4, a été rédigée de manière à y inclure l’article 12, qui se lit ainsi :

L’article 11 de la Loi sur les mesures d’urgence visant la COVID-19 est remplacé par ce qui suit : 11 L’article 10 entre en vigueur le 31 décembre 2020.

Cette clause vise à reporter la date d’abrogation en vigueur et à fournir au gouvernement les outils dont il a besoin pour continuer de dépenser les fonds alloués, à condition que le projet de loi C-4 reçoive la sanction royale avant le 30 septembre.

Le problème est que le gouvernement a tergiversé si longtemps à cause de cette prorogation complètement inutile qu’il ne savait pas s’il parviendrait à faire adopter le projet de loi visant à reporter l’abrogation avant la fin du délai.

Le gouvernement avait besoin d’un plan B, car s’il ne parvenait pas à faire adopter le projet de loi avant la date butoir du 30 septembre, au moment de l’adoption du projet de loi C-4, la Loi sur le recouvrement des créances salariales aurait déjà été abrogée.

Pour parer à cette éventualité, le gouvernement devait trouver un moyen d’annuler l’abrogation sans mettre en danger le report de leur abrogation initiale, juste au cas où le projet de loi ne serait pas adopté avant le 30 septembre et où l’abrogation aurait déjà été reportée.

Vous avez déjà une migraine? Ce n’est pas dû à la COVID; c’est ce qui arrive lorsque le gouvernement dort au gaz.

Je ne suis pas sûr si je dois féliciter les avocats du gouvernement qui ont travaillé sur la partie 3 du projet de loi ou éprouver de la sympathie pour eux. Le gouvernement a été incapable de bien faire les choses la première fois et il a été incapable de faire les choses à temps la deuxième fois, alors ses avocats ont dû faire des acrobaties législatives pour parvenir à une solution et couvrir toutes les possibilités.

Au cas où il dépasserait la date limite de septembre, le gouvernement a ajouté le paragraphe 13(2), qui se lit comme suit :

Si la présente loi est sanctionnée après le 30 septembre 2020 :

a) les intertitres précédant l’article 10 et les articles 10 à 12 de la présente loi sont remplacés par ce qui suit :

Chers collègues, je ne prendrai pas de temps à passer en revue tout ce qui suit ce paragraphe parce que, primo, votre tête risque d’exploser, et, secundo, le projet de loi se trouve devant vous. Toutefois, ce qui suit est un nouvel article qui vise à remplacer l’ancien article de la page précédente de la même loi au cas où on dépasserait la date d’abrogation avant l’adoption du projet de loi.

Autrement dit, à cause de son incompétence, le gouvernement a dû présenter une mesure législative pour en modifier une autre qui prévoit une modification à la modification proposée avant même qu’elle n’ait été effectuée.

Voilà ce qui arrive quand on ne se présente pas au travail. Les choses se compliquent.

Honorables sénateurs, les autorisations de paiements prévues par la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national ne sont pas les seuls éléments qui sont arrivés à échéance le 30 septembre dernier. Le projet de loi C-13 contenait une longue liste de dispositions législatives qui ont toutes été automatiquement abrogées à la fin septembre. C’est déjà chose faite.

Par exemple, le projet de loi C-13, Loi concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19, avait modifié la Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada afin de donner au ministre des Finances le pouvoir d’augmenter la limite de couverture d’assurance pour les dépôts. La modification a été abrogée le 30 septembre dernier.

Le projet de loi C-13 avait également modifié la Loi sur le développement des exportations pour autoriser le ministre des Finances à déterminer le montant du capital autorisé ainsi que certains montants maximums d’Exportation et Développement Canada. Cette modification a été abrogée le 30 septembre dernier.

La modification de la Loi sur la gestion des finances publiques, qui autorisait le ministre des Finances à contracter des emprunts sans l’approbation du gouverneur en conseil afin d’effectuer certains paiements, a été abrogée.

La modification de la Loi sur les brevets, conformément à laquelle le commissaire devait :

[...] autoriser le gouvernement du Canada et toute personne précisée dans la demande à fabriquer, à construire, à utiliser et à vendre une invention brevetée dans la mesure nécessaire pour répondre à une urgence de santé publique [...]

[...] a aussi été abrogée.

Les modifications à la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants, à la Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants et à la Loi sur les prêts aux apprentis, qui prévoyaient qu’aucun intérêt n’était payable sur les prêts étudiants et qu’aucun montant n’était exigible par l’emprunteur sur le principal ou l’intérêt ont aussi cessé d’être en vigueur ainsi que le pouvoir temporaire accordé au ministre de prendre des arrêtés d’urgence.

Chers collègues, je ne sais aucunement si le gouvernement avait l’intention ou non de permettre que toutes ces modifications législatives cessent de s’appliquer, car lorsqu’il n’y a personne aux commandes de la locomotive, il est difficile de s’imaginer que le train puisse aller quelque part.

Cependant, nous saurons bien assez vite ce qui aura échappé au gouvernement si nous voyons apparaître dans le Feuilleton des mesures « urgentes » qu’il tentera de faire adopter à toute vitesse par le Parlement pour corriger les effets les plus récents de son manque de vigilance et de sa mauvaise planification. Vu l’incompétence dont le gouvernement fait constamment preuve et vu son mépris du Parlement, je ne serais pas surpris si cette mesure urgente arrivait plus tôt que tard.

Honorables sénateurs, l’incompétence du gouvernement me préoccupe grandement, et je suis d’autant plus préoccupé que je le vois conclure des ententes avec le Nouveau Parti démocratique afin de se maintenir au pouvoir.

Nous sommes dirigés par un gouvernement qui ne se soucie aucunement des déficits, de la dette ou des budgets. Il ne se rend pas compte que chaque sou dépensé sortira tôt ou tard des poches des contribuables, que nous devrons tous payer la dette qu’il accumule et que ce sont les entreprises, et non les gouvernements, qui créent les emplois. Le gouvernement libéral ne comprend pas la différence entre des investissements et des dépenses. Il ne connaît rien à l’économie, et il croit pouvoir dépenser impunément.

Le gouvernement semble prêt à laisser Jagmeet Singh diriger le pays chaque fois qu’il a besoin de lui pour demeurer au pouvoir un peu plus longtemps.

Honorables collègues, les choses allaient déjà assez mal quand les libéraux gouvernaient à partir du centre. Les libéraux sont rendus tellement à gauche qu’ils conduisent du mauvais côté de la route. Or, la seule chose pire qu’un conducteur endormi, c’est un conducteur endormi dont la voiture est du mauvais côté de la route.

Aujourd’hui, nous devrons nous prononcer sur un projet de loi qui creusera la dette nationale de 41 milliards de dollars, mais pourtant, le gouvernement ne nous a fourni aucun budget ou plan budgétaire. Le seul compte rendu auquel nous avons eu droit sur l’état des finances publiques était un bref aperçu présenté il y a maintenant 87 jours par un ministre des Finances à qui on a montré la porte depuis. Aujourd’hui, nous devrons nous prononcer sur un projet de loi qui débloquera 17 milliards de dollars pour venir en aide aux Canadiens, qui en ont bien besoin. Ces dépenses ont déjà reçu l’aval du Parlement, mais elles ont pris une nette tendance vers la gauche parce que le gouvernement actuel n’a que du mépris pour le Parlement. Voilà qui devrait nous inquiéter tous autant que nous sommes.

À leur corps défendant, les conservateurs — pour répondre à la question du sénateur Harder — vont permettre l’adoption de ce projet de loi, car les prestations qu’il prévoit sont capitales pour les Canadiens, mais cela ne signifie pas qu’ils n’ont pas de réserves, honorables sénateurs. Comme le faisait remarquer la sénatrice Martin, ce n’est pas parce qu’on demande qu’une mesure soit adoptée avec dissidence que l’on s’oppose forcément au principe sur lequel elle repose. Les Canadiens ont besoin de cet argent. Cela dit, le sénateur Harder voulait savoir si nous allions demander que le projet de loi soit adopté avec dissidence, et je peux lui répondre que c’est ce que nous ferons sans la moindre hésitation.

Avant même que le projet de loi soit renvoyé au Sénat, il ne restait presque plus de temps pour en débattre à cause des tactiques du gouvernement. Au cours des deux derniers jours, on n’a débloqué aucun montant des dépenses d’urgence liées à la COVID-19, qui ont été autorisées au titre de la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national, à cause de la mauvaise gestion des libéraux. On ne peut verser aucune des nouvelles prestations tant que le projet de loi n’aura pas reçu la sanction royale. Les conservateurs ne retarderont pas la sanction royale. Nous voterons en faveur de l’adoption du projet de loi.

Honorables sénateurs, une chose est claire : la pandémie est un problème assez grave en soi, mais ses répercussions sur les Canadiens ont été multipliées par l’incompétence du gouvernement libéral et son mépris pour le Parlement. Honorables collègues, c’est quelque chose de vraiment regrettable. Merci.

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