Le sénateur Plett et le projet de loi C-19 : Les mesures économiques du gouvernement libéral liées à la COVID-19 n’aident pas les Canadiens et les Canadiennes qui en ont le plus besoin

Le 26 juin 2020 (Ottawa, ON) – L’honorable Don Plett, leader de l’opposition au Sénat, a émis la déclaration suivante :

Honorables sénateurs, nous sommes saisis du projet de loi C-19, Loi de crédits no 3 pour 2020-2021, qui vise à obtenir l’approbation de crédits additionnels de 6 milliards de dollars pour financer les activités du gouvernement.

Mis à part le fait que ces crédits comprennent 1,3 milliard de dollars de dépenses liées à la COVID, il n’y a rien d’inhabituel à ajouter 6 milliards de dollars de crédits au budget des dépenses du gouvernement. Le gouvernement a demandé des crédits supplémentaires, dans le Budget supplémentaire des dépenses (A), de 4,9 milliards de dollars l’an dernier, et de 8,1 milliards de dollars l’année précédente. La présente demande de crédits est comparable. Si on s’arrêtait ici, tout semblerait normal, mais c’est loin d’être le cas.

Au cours des 10 dernières années, les dépenses législatives inscrites au Budget supplémentaire des dépenses (A) se chiffraient en moyenne à 16 millions de dollars. Or, cette année, elles sont 160 fois supérieures et totalisent 80,9 milliards de dollars. Je précise que 80,8 milliards de dollars de ces dépenses sont liées à des mesures prises dans le cadre de la pandémie de COVID-19.

Ce sont là des dépenses législatives astronomiques inscrites au Budget supplémentaire des dépenses. Elles représentent près du tiers du budget annuel du gouvernement et ne correspondent qu’à la moitié des programmes d’aide que le gouvernement a mis en œuvre dans la foulée de la COVID. Ces chiffres illustrent clairement que la pandémie a eu des conséquences dévastatrices au Canada et que la situation n’est pas réglée.

La plupart des provinces ont amorcé la reprise depuis un certain temps, mais le Canada souffre toujours des répercussions de la COVID-19. Plus de 100 000 personnes ont contracté le virus au Canada et plus de 8 400 en sont mortes.

Le taux de mortalité au pays ne cesse d’augmenter et se situe actuellement à 8,3 %, soit le neuvième en importance au monde. Il est beaucoup plus élevé que celui des États-Unis, qui est en baisse et atteint actuellement 5 %.

Les mesures de confinement décrétées partout au pays ont atténué les effets de la pandémie sur la santé, mais elles ont aussi provoqué une crise économique nationale. De février à avril de cette année, 3 millions d’emplois ont disparu au pays, ce qui a fait grimper le taux de chômage à 13 %. Par ailleurs, 2,5 millions de Canadiens ont réussi à conserver leur emploi, mais ont vu leurs heures de travail diminuer de plus de 50 %. La COVID-19 a eu un impact considérable sur l’emploi de 5,5 millions de Canadiens.

Les répercussions de la crise ne se font pas sentir partout de la même façon. Certaines personnes et certains secteurs sont plus durement touchés que d’autres. Entre février et avril, le taux d’emploi chez les travailleurs à faible revenu a baissé de 38,1 %, comparativement à 12,7 % pour tous les autres employés.

Les pertes d’emplois ont été plus importantes chez les femmes que chez les hommes, et, maintenant, les hommes retournent au travail à un taux deux fois plus élevé que celui des femmes.

En avril, les exportations de marchandises ont chuté de 30 % et les importations ont diminué de 25 %. Les importations de véhicules à moteur et de pièces d’automobiles ont baissé de près de 80 % et représentent plus de la moitié de la diminution totale des importations canadiennes. Les exportations d’énergie se sont repliées de plus de 40 %, tandis que les importations d’énergie ont diminué de plus de 50 %.

Bien que les chiffres de l’emploi aient commencé à s’améliorer le mois dernier, nous sommes loin d’être sortis d’affaire. Même si certaines personnes ont repris le travail, notre taux de chômage a, en fait, encore augmenté en mai, passant de 13,0 % à 13,7 %, car davantage de Canadiens sont maintenant à la recherche d’un emploi.

Dans la population des étudiants de retour sur le marché du travail, le chômage était monté à 40,3 % le mois dernier. En outre, le ménage de plus d’un Canadien sur cinq déclare avoir des difficultés à remplir ses obligations financières immédiates : c’est une hausse par rapport au mois précédent.

Chers collègues, le Fonds monétaire international a averti que l’économie canadienne se rétracterait de 6,2 % cette année, sans compter que, selon l’OCDE, l’économie mondiale va connaître sa pire récession en cent ans.

Il est manifeste que, bien que les conséquences sanitaires de cette pandémie n’aient été qu’une fraction de ce qu’on nous avait dit qu’elles seraient, les difficultés économiques et budgétaires sont bien plus importantes que prévu et elles sont juste en train d’apparaître. Nous vivons à une époque qui est loin d’être normale, mais il n’y a pas que la pandémie de COVID qui rend cette période inhabituelle. Notre pays a reçu les coups les uns après les autres, ces derniers mois, du déchaînement de violence insensé en Nouvelle-Écosse au tollé soulevé dans tout le pays par le meurtre de George Floyd en passant par l’appel généralisé à agir contre le racisme systémique.

Il est pourtant alarmant de constater qu’au milieu de tout cela, le Canada se retrouve avec un gouvernement qui refuse de reprendre le travail même lorsqu’il est sécuritaire de le faire. Comme la sénatrice Marshall l’a dit dans son discours lundi, « Le gouvernement semble [...] souhaiter que tous les travailleurs retournent dans leur lieu de travail, à l’exception des parlementaires. »

Je ne parle pas du rappel de la totalité des députés et des sénateurs, mais plutôt du refus de reprendre des séances normales, qui pourraient avoir lieu d’une façon sécuritaire et responsable qui respecte les directives en matière de santé publique, comme ce que nous faisons ici aujourd’hui.

Il est absurde que le premier ministre puisse se joindre à des milliers de personnes sur la pelouse de la Colline du Parlement pour protester contre l’inaction de son propre gouvernement à l’endroit du racisme, mais qu’il ne puisse se résoudre à siéger à la Chambre des communes afin de diriger la nation alors qu’elle affronte une des pires tempêtes en 100 ans.

Depuis trois mois, les Canadiens doivent se font sermonner quotidiennement par le premier ministre. Debout devant Rideau Cottage il ne cesse de nous répéter que la science indique clairement que nous devons rester chez nous afin de protéger les plus vulnérables. Mais soudain, voilà qu’il balance toute cette science par la fenêtre afin de participer à une manifestation.

Je ne remets pas en question l’importance de cette manifestation, mais j’aimerais que le premier ministre accorde autant d’importance au Parlement qu’il en accorde à une séance de photos. Les Canadiens n’apprécient pas ce genre d’hypocrisie.

Il m’est impossible de compter le nombre de familles qui ont été privées de la possibilité de pleurer convenablement la perte d’un être cher pendant cette pandémie. Des mères, des pères, des grands-parents, des frères, des sœurs, des amis, des fils et des filles ont été portés à leur repos final sans un dernier adieu. Les cœurs de ceux qui les aimaient ont été brisés deux fois, une fois par la perte en tant que telle, et une autre fois par l’interdiction de pouvoir faire leurs adieux.

Et voilà qu’après avoir sermonné les Canadiens pendant des semaines pour s’assurer qu’ils respectent les règles de distanciation sociale — parce que pour vaincre cette pandémie, nous devons tous travailler ensemble —, le premier ministre a lui-même enfreint ces règles sans aucune excuse, allant même jusqu’à trimballer à ses côtés un photographe pour saisir le moment.

Chers collègues, même une membre estimée de cette enceinte s’est récemment vantée d’avoir enfreint les règles de distanciation sociale pour assister à un service commémoratif sur la côte Est.

Elle a déclaré : « Ce furent quelques heures très émouvantes où, malgré les exigences liées à la distanciation sociale, je n’ai pu résister à l’envie de serrer dans mes bras ... Je vais payer l’amende. »

Chers collègues, je suis certain que ce fut une cérémonie haute en émotions, et à juste titre. Nous avons assisté à bien des tragédies durant cette pandémie, et elles se sont toutes avérées particulièrement émouvantes. Cela dit, qu’est-ce qui confère à certains parlementaires le droit de prêcher un ensemble de règles, mais de vivre ensuite selon un autre ensemble de règles?

Personne n’a oublié le terrible massacre survenu en Nouvelle-Écosse quelques semaines plus tôt, où je rappelle que 22 personnes ont été tuées. Malgré cette tragédie dévastatrice, les règles de distanciation sociale n’ont pas été levées dans le but d’autoriser la tenue de funérailles. Au lieu de cela, les gens n’ont eu d’autre choix que d’assister à une veillée en ligne diffusée en direct dans tout le pays.

Il est difficile de vivre un deuil dans les meilleures circonstances. C’est encore plus difficile quand il n’y a personne pour vous étreindre.

Ne vous méprenez pas, c’est ce genre d’hypocrisie qui a pour effet de transformer le chagrin en colère, et la colère, en cynisme.

Comment pouvons-nous fermer les yeux sur ce comportement et prétendre que tout va bien, puis adopter un air surpris lorsque les gens commencent à se méfier du gouvernement et des personnes en position d’autorité? Je trouve cela ridicule.

Nous traversons une période hors de l’ordinaire. Nous sommes en pleine pandémie et nous subissons les ravages économiques qui découlent du confinement. Nous avons un premier ministre qui croit qu’il n’a pas à respecter les mêmes règles que les autres. Il refuse d’accorder la même priorité au Parlement qu’à une séance de photos. Il insiste sur le fait que nous devons continuer indéfiniment ainsi, sans surveillance et examen parlementaires appropriés, et sans obligation de rendre des comptes au Parlement. De plus, il fait de son mieux pour réduire le Parlement à une machine géante d’approbation automatique, et lorsque la machine géante refuse de donner son approbation aveuglément, il cherche simplement un moyen de la contourner et rejette la faute sur l’opposition.

Pensez à ce qui s’est passé il y a quelques semaines à peine. Le gouvernement a présenté un projet de loi omnibus comportant quatre parties qui visait à modifier quatre lois du Parlement, à limiter la portée d’une autre et à en promulguer une nouvelle. Le projet de loi aurait changé les critères d’admissibilité d’un programme gouvernemental de 45 milliards de dollars et accordé de vastes pouvoirs aux ministres, leur permettant de changer les délais judiciaires. Il aurait permis l’échange interplateforme de renseignements personnels d’un organisme gouvernemental à d’autres organismes. Il aurait modifié les critères d’admissibilité d’un autre programme gouvernemental de 60 milliards de dollars. Enfin, il aurait établi des sanctions pénales pour des infractions pour lesquelles on préférait fermer les yeux à peine quelques semaines plus tôt.

Pourtant, lorsque Pablo Rodriguez a présenté la mesure législative à la Chambre des communes, voici ce qu’il a dit :

Monsieur le Président, il y a eu des discussions entre les partis, et j’ose espérer qu’il y a consentement pour procéder comme suit. Je propose que, conformément à l’ordre adopté le 20 avril 2020, il soit disposé de la manière suivante du projet de loi C-17, Loi concernant certaines mesures additionnelles liées à la COVID-19: a) que l’étude à l’étape de la deuxième lecture en soit fixée à plus tard aujourd’hui; b) lorsque la Chambre entamera le débat sur la motion portant deuxième lecture du projet de loi, deux députés de chaque parti reconnu et un député du Parti vert puissent chacun prendre la parole sur ladite motion pendant au plus 20 minutes, suivies de 10 minutes pour les questions et observations, pourvu que les députés puissent partager leur temps de parole avec un autre député; à la fin de la période prévue pour ce débat ou lorsque plus aucun député ne se lèvera pour prendre la parole, selon la première éventualité, toute question nécessaire pour disposer de l’étape de la deuxième lecture soit mise aux voix sans plus ample débat ni amendement pourvu que, si un vote par appel nominal est demandé, il ne soit pas différé; c) si le projet de loi est adopté à l’étape de la deuxième lecture, il soit renvoyé à un comité plénier, réputé étudié en comité plénier, réputé avoir fait l’objet d’un rapport sans amendement, réputé adopté avec dissidence [à l’étape du rapport] et réputé lu une troisième fois et adopté [avec dissidence].

Chers collègues, c’est incroyable. Il voulait carrément faire disparaître le Parlement à coups de « réputé ». Tout cela devait être adopté au Parlement en un clin d’œil et avec un hochement de tête. Alors, Andrew Scheer a dit non, nous n’allons pas approuver ceci aveuglément. Cependant, parce que nous reconnaissons l’importance de ce projet de loi, nous sommes prêts à siéger demain et le lendemain et le surlendemain, s’il le faut, pour accomplir le travail. Le gouvernement a refusé, puis il a blâmé l’opposition d’avoir entravé ses plans. Il a ensuite décidé de laisser le projet de loi C-17 moisir au Feuilleton et il nous dit maintenant qu’il trouvera un autre moyen d’accomplir ce que le projet de loi devait accomplir.

Chers collègues, ce n’est rien d’autre que de l’arrogance de la part du gouvernement. Le projet de loi C-17 aurait pu être en vigueur à l’heure actuelle si le gouvernement avait eu l’intention de revenir au travail. Les Canadiens doivent maintenant attendre de voir quel stratagème créatif le gouvernement concoctera pour contourner la reddition de comptes et la procédure parlementaire.

C’est inacceptable. De nombreux changements prévus dans le projet de loi C-17 revêtent une importance capitale, à commencer par les dispositions qui modifient les critères d’admissibilité de la Subvention salariale d’urgence du Canada dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Le problème, c’est que ces changements ne sont pas suffisants. De plus, en excluant le Parlement du processus, le gouvernement élimine le rôle essentiel des débats dans l’élaboration des politiques publiques. C’est grâce aux débats qu’on découvre et qu’on rectifie les problèmes avant de mettre en œuvre les changements, plutôt que d’attendre que le mal soit déjà fait.

Nous nous retrouvons avec une politique à laquelle le gouvernement a apporté quelques changements, mais où les problèmes les plus graves n’ont pas été résolus. Par exemple, les entreprises qui rémunèrent leurs employés en leur versant des dividendes ne sont pas admissibles au programme de la Subvention salariale d’urgence du Canada. C’est un problème de taille pour les petites entreprises familiales, et il faut le régler.

Deuxième exemple, une entreprise dont les revenus n’ont pas chuté de 30 % n’est pas admissible au programme de subvention. Cela importe peu si ses revenus ont chuté de 29,995 %. Tant qu’elle n’atteint pas le pourcentage magique de 30 %, elle ne peut recevoir de l’aide. C’est une lacune importante, car, même si cela peut surprendre certaines personnes, les entreprises ont rarement une marge de profit de 30 % pouvant leur servir de coussin financier. Je sais que les socialistes du monde pensent que les propriétaires d’entreprise volent l’argent de la classe ouvrière pour se remplir les poches, mais la réalité économique est tout à fait différente.

En 2012, la marge bénéficiaire nette des petites entreprises s’établissait en moyenne à 7,1 %. Pour les entreprises de moyenne taille, elle n’était que de 3,7 %. Le gouvernement dit fondamentalement aux entreprises dont les revenus ont chuté de moins de 30 % : « Nous avons fait disparaître vos clients pendant 90 jours, mais nous aimerions que vous continuiez à payer vos employés et à garder votre entreprise en activité, même si vous devez pour cela vous endetter encore plus chaque mois. »

Combien de petites et moyennes entreprises ont les moyens de fonctionner ainsi, surtout en sachant que les affaires ne reprendront pas du jour au lendemain après la pandémie? Elles risquent donc de fonctionner à perte pendant des mois — voire des années — avant que leurs affaires retrouvent un bon rythme et que l’économie se rétablisse.

Si le gouvernement était prêt à écouter les Canadiens et les parlementaires, il constaterait que les correctifs nécessaires n’ont rien de compliqué. Le gouvernement choisit toutefois de rester sourd aux réalités économiques, allez savoir pourquoi.

Il est clair que le programme ne fonctionne pas selon les attentes, puisque le gouvernement a ramené les coûts prévus de 73 milliards de dollars à 45 milliards de dollars.

Chers collègues, c’est la première fois que je vois un gouvernement à ce point incompétent qu’il a du mal à donner de l’argent.

Le projet de loi C-17 devait modifier la Loi de l’impôt sur le revenu et la Loi sur les allocations spéciales pour enfants de manière à ce que l’Agence du revenu du Canada puisse échanger des renseignements avec d’autres ministères afin de faciliter le versement d’un paiement unique aux personnes handicapées. Personne n’y était opposé. Le gouvernement aurait pu présenter la mesure dans un projet de loi distinct qui aurait aussitôt obtenu l’appui unanime des deux Chambres du Parlement. Or, le problème, c’est que ceux qui ont eu la chance d’examiner le projet de loi avant que le gouvernement le mette de côté ont peut-être remarqué qu’on ne demande pas du tout au Parlement d’approuver ce paiement aux personnes handicapées; on demande plutôt l’approbation du Parlement pour permettre à l’Agence du revenu du Canada de communiquer de l’information sur la personne qui recevrait le paiement.

Cela signifie que le Parlement n’aurait aucune occasion d’étudier cette mesure. Si on lui en avait donné la chance, il aurait pu demander au gouvernement pourquoi il ne cible pas un peu mieux ses dépenses de manière à ce que l’argent soit versé à ceux qui en ont besoin et non à ceux qui n’en ont pas besoin.

À l’heure actuelle, on compte donner à tous ceux qui sont admissibles au crédit d’impôt pour personnes handicapées un paiement unique libre d’impôt d’un montant maximal de 600 $, peu importe leur revenu annuel. Que la personne gagne 18 000 $ ou 218 000 $ par année, elle recevra quand même le paiement libre d’impôt si elle a un certificat pour le crédit d’impôt pour personnes handicapées.

Pire encore, moins de la moitié des 2,7 millions de Canadiens gravement ou très gravement handicapés seront admissibles au crédit d’impôt. Dans le cadre de cette initiative, des personnes riches recevront des chèques de 600 $ dont elles n’ont pas besoin, alors que les membres les plus pauvres et vulnérables de notre société seront laissés pour compte. Il y a quelque chose qui cloche là-dedans, mais nous ne pouvons rien faire parce que le gouvernement a décidé de contourner le Parlement et de parvenir à ses fins d’une autre manière.

Le gouvernement offre aussi un paiement non imposable à toutes les personnes qui ont droit à la Sécurité de la vieillesse. Cette façon d’agir est incompréhensible. Généralement, le programme de la Sécurité de la vieillesse est fondé sur le revenu de sorte que les gens à revenu élevé n’en bénéficient pas, mais le gouvernement a décidé de ne pas tenir compte de ce critère et de verser un montant non imposable de 300 $ à 6,5 millions d’aînés, peu importe leur revenu annuel.

Selon les statistiques sur le revenu de l’Agence du revenu du Canada, cela signifie que plus de 166 millions de dollars seront versés à des Canadiens gagnant plus de 80 000 $ par an, et que plus de 41 millions de dollars seront versés à des aînés gagnant plus de 150 000 $ par an.

Suis-je la seule personne à qui cela pose problème?

Nous sommes en pleine crise économique et le gouvernement distribue des millions de dollars à l’aveuglette, à des personnes qui n’en ont pas besoin. Pourtant, il n’a versé que 8 millions de dollars pour appuyer Jeunesse, J’écoute, 29 millions de dollars pour venir en aide aux femmes et aux filles autochtones qui fuient la violence et 50 millions de dollars pour soutenir les refuges pour femmes et les centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle.

Cela défie toute logique, mais c’est ainsi que fonctionne le gouvernement libéral.

Chers collègues, le projet de loi C-17 aurait créé des pénalités pour toute personne qui aurait fraudé le programme de la Prestation canadienne d’urgence. Voilà qui est sensé. On ne devrait jamais demander aux contribuables d’aider financièrement quiconque est en mesure de travailler, mais qui refuse de le faire même si des emplois sont disponibles. Il faut tenir responsables tous ceux qui trichent pour toucher un avantage auquel ils n’ont pas droit. Il n’y a rien de curieux là-dedans; ce qui est curieux, c’est que le gouvernement n’y ait pas pensé initialement.

Il y a quelques semaines seulement, des employés fédéraux qui traitent des demandes de Prestation canadienne d’urgence ont reçu pour directive de fermer les yeux sur les cas possibles de fraude, et ce, malgré le fait que des rumeurs de fraudes couraient déjà.

Lorsqu’on l’a interrogé à ce sujet, le premier ministre a simplement balayé la question du revers de la main et laissé entendre qu’on attraperait les fraudeurs à un moment qui conviendrait mieux. C’est un peu comme si on annonçait que les portes du coffre-fort de la banque avaient été laissées ouvertes et qu’on rassurait les actionnaires en leur disant qu’un suivi serait fait en cas de vol. Ce n’est pas très brillant ni rassurant.

Il y a des gens qui chercheront à profiter d’une telle situation, et certains seront peut-être assez futés pour effacer leurs traces afin d’empêcher le gouvernement de les retracer plus tard pour récupérer l’argent.

Tout à coup, le premier ministre veut fermer la porte qui, selon ce qu’il affirmait auparavant, devait pourtant absolument demeurer ouverte. C’est comme s’il venait de réaliser qu’une menace pourrait venir du crime organisé et qu’il devait intervenir de toute urgence.

Or, l’Agence du revenu du Canada connaît l’existence de cette menace depuis quelque temps déjà. En mai, les fonctionnaires de l’agence ont affirmé devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales avoir mis en place des systèmes permettant de relever les fraudes potentielles, notamment lorsque différents comptes bancaires ont des numéros qui se suivent. Apparemment, l’utilisation de numéros de compte consécutifs soulève des doutes chez tout le monde, mais pas chez le premier ministre. Plutôt que d’agir promptement pour que tous sachent que ce genre de fraude ne serait pas toléré, il a choisi d’en minimiser l’importance et a affirmé ceci :

Nous voulions aider les 99 % de Canadiens qui avaient un urgent besoin d’aide, même si cela signifiait qu’il faudrait accepter 1 ou 2 % de demandes frauduleuses; c’est un choix que nous étions tout à fait prêts à assumer.

Monsieur le premier ministre, 2 % de 60 milliards de dollars, c’est 1,2 milliard de dollars et si un tel montant vous laisse indifférent, peut-être serait-il temps que vous vous trouviez une nouvelle vocation.

Chers collègues, ne nous leurrons pas : le gouvernement a écarté le Parlement, et le projet de loi dont nous sommes saisis le montre clairement, notamment quand on voit ce qui n’y figure pas. Comme il n’y est question ni du paiement aux personnes handicapées ni du paiement aux aînés, le Parlement ne peut se pencher sur ces questions.

Le gouvernement a promis 453 millions de dollars pour soutenir les agriculteurs, les entreprises alimentaires et l’approvisionnement alimentaire du Canada, mais seulement 15 millions de dollars sont prévus à ce titre dans le projet de loi C-19. Or, comme 113 millions de dollars supplémentaires avaient été inscrits dans le Budget supplémentaire des dépenses en tant que dépenses législatives, il manque encore 326 millions de dollars à allouer.

Le gouvernement a promis 29 millions de dollars pour protéger et soutenir les femmes et les filles autochtones qui fuient la violence, mais ce projet de loi de crédits ne prévoit rien à ce titre. Le montant total de cette aide n’a toujours pas été fixé.

Le gouvernement a promis 3 milliards de dollars aux provinces afin de bonifier le salaire des travailleurs essentiels pendant la pandémie. Une fois de plus, le directeur parlementaire du budget a constaté que le montant total demeure imprécis et que, à ce jour, pas un seul dollar n’a été alloué.

Lors de son passage au Sénat, mardi, le ministre des Finances a refusé de nous donner des informations sur l’état des finances nationales. Hier, je lui ai écrit, comme il m’avait suggéré de le faire, pour lui redemander cette information. J’ai souligné que nous devrions recevoir ces renseignements avant de voter sur ce projet de loi aujourd’hui. Je lui ai posé les mêmes questions que j’ai posées dans cette enceinte. Je lui a demandé à combien s’élève la dette du gouvernement du Canada, y compris des sociétés d’État. J’ai aussi réclamé une ventilation, en pourcentage, des sommes dues aux créanciers : Banque du Canada, entités et particuliers canadiens et étrangers. Pour les créanciers étrangers, j’ai demandé qu’il fournisse, si possible, une ventilation par pays ou région.

La réponse du ministre a été la même que celle qu’il nous a donnée dans cette enceinte : un silence gêné.

Chers collègues, le ministre des Finances demande aux parlementaires d’approuver des dépenses supplémentaires qui vont assurément augmenter la dette nationale alors qu’il ne peut pas ou ne veut pas nous donner l’information dont nous avons besoin pour prendre cette décision de manière éclairée et responsable. Quelle arrogance! Si le conseil d’administration d’une grande société prenait les décisions financières de cette façon, on n’hésiterait pas à dire qu’il manque à ses obligations fiduciaires. Or, c’est exactement ce que le gouvernement attend du Sénat.

Chers collègues, ce n’est pas acceptable. J’ai du mal à comprendre ceux qui pensent que nous devrions simplement ne pas en demander plus au gouvernement cette fois-ci.

Hier, notre collègue le sénateur Woo a demandé à la sénatrice Martin quel niveau de déficit l’opposition conservatrice jugerait acceptable. Il semblait laisser entendre que nous étions un peu trop sévères à l’endroit du gouvernement.

Eh bien, sénateur Woo, lorsque le ministre des Finances refuse de nous fournir des renseignements de base au sujet de la situation financière du pays, comment diable pouvons-nous déterminer ce qui constitue une quantité acceptable de dépenses excessives?

C’est dommage que le sénateur n’interroge pas le ministre des Finances au sujet du déficit avec le même enthousiasme qu’il a affiché lorsqu’il a posé le même genre de question à la sénatrice Martin.

Chers collègues, le caucus conservateur au Sénat ne tentera pas de bloquer le projet de loi C-19, même s’il est loin d’être parfait. Le financement qu’il prévoit est nécessaire pour continuer à fournir sans interruption les programmes et les services gouvernementaux sur lesquels comptent les Canadiens.

Toutefois, nous demeurons vivement préoccupés par l’attitude méprisante du premier ministre à l’égard du rôle du Parlement et par l’indifférence qu’il affiche quant à la nécessité d’une surveillance et d’une reddition de compte adéquates.

Le premier ministre refuse de nous fournir des informations essentielles sur la situation actuelle et, manifestement, il ne sait absolument pas comment il s’y prendra pour sortir le Canada de l’endettement dans lequel il ne cesse de l’enfoncer.

Nous nous inquiétons non seulement de la situation du pays aujourd’hui, mais aussi des problèmes financiers que nous léguons à nos enfants, à nos petits-enfants et à nos arrière-petits-enfants.

Nul besoin de rappeler au Sénat que le directeur parlementaire du budget, avant même le début de la pandémie, nous avait prévenus à maintes reprises que les dettes provinciales et territoriales étaient déjà non viables.

Peu importe l’ordre de gouvernement dont il est question, il n’y a qu’un seul contribuable. De plus, l’endettement des ménages a atteint un taux record et la dette publique a subi une hausse vertigineuse et alarmante.

Ajoutez à cela le fait troublant que le nombre de travailleurs diminue tandis que le nombre de personnes âgées augmente et vous commencerez tout juste à avoir une idée des défis financiers qui nous attendent.

Chers collègues, nous vivons une crise nationale sans précédent de notre vivant et les décisions prises par le gouvernement au cours de cette période se répercuteront pendant des décennies.

Aujourd’hui, je demande au premier ministre de mettre de côté la petite politique et de commencer à travailler en collégialité avec ses collègues parlementaires.

Ce n’est pas le moment de limiter les séances du Parlement et de le priver de son pouvoir d’étudier les projets de loi d’un gouvernement minoritaire, d’en débattre et de les amender. C’est le moment, chers collègues, de travailler ensemble pour assurer un avenir brillant et durable tant pour notre génération que pour les générations à venir.

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